Vous avez dit : « covinement ? »

La journée discothèque n’aura pas lieu. L’annonce officieuse tombe un mardi en réunion. C’était le 10 mars. A cette date, ce qui était jusque-là une lointaine menace qui affectait l’Asie est devenue une réalité pour tous en Europe, en France, à Nantes, au  3 chemin des Réunis. Pour tous, et pour nous plus encore peut être, les rassemblements devraient être interdits. A commencer par le nôtre pour porter notre projet radio. Le Coronavirus ou COVID 19, c’est ainsi qu’elle se nomme la menace, nous coupe le son, nous scie les pattes.

Sans le savoir alors, nous allions vivre trois mois en vase clos pour les résidents, en semi-liberté pour les professionnels. Trois mois privant d’une autonomie indispensable au quotidien : se déplacer. Dans le foyer, brans-le-bas de combat des équipes éducatives pour « improviser » des limitations d’espace, faire passer le message, rassurer en portant aussi au fond d’elles l’inquiétude du danger inconnu. Tous chez soi, le virus on n’en veut pas chez nous ! On dresse petit à petit les barrières pour lutter contre l’indicible, l’imprévisible.

Les contacts prohibés, le port du masque devient alors la règle, les salutations à proscrire, les bises du vent. Et on répète les discours. Et on réorganise le quotidien au jour le jour, au gré des préconisations qui s’entrecroisent et s’entrechoquent bouleversant les rituels des uns, les incompréhensions des autres. Les tensions éteintes peuvent s’embraser à tout moment. Et dehors, le temps est estival. Il renforce une injustice, une crispation dans l’esprit général. Nous sommes dégoûtés. Les plages, les bords de Loire ne sont que fantasmes et douces rêveries des jours d’avant. Les ballades amicales pleines d’insouciance paraissent d’un autre temps.

Après l’abattement des premières semaines, le sursaut collectif se manifeste. La vie continue même confinée. Nous sommes telle une armée sur le front pour lutter contre l’envahisseur. Et les renforts débarquent. Moniteur et éducateurs d’ESAT en soutien. Un débarquement salutaire pour resserrer les rangs. Chacun apporte sa petite pierre pour dresser l’édifice protecteur. Comme le soleil est toujours là pour nous irradier d’énergie, on va y puiser des forces pour redoubler d’inventivité.

Jardinage, tonte des pelouses, tennis de table, volley-ball, pétanque, jeux de cartes, peinture, percussion, tournage et réalisation d’un film…Un air de vacances d’été embaume la résidence et donne du baume au cœur. Ca rigole à nouveau. C’est l’heure de la détente derrière nos murs avec en point d’orgue les applaudissements à 20h en hommage.

Hors des murs, le silence règne lourdement dans les rues désertées. Fort heureusement, les résidents en sont préservés. Saisissant contraste. Canteni est un Eden, un havre de vie, d’insouciance retrouvée pour chacun. Les what’s app et les échanges virtuels maintiennent le lien vers cet extérieur inquiétant. Le contact prendra cette nouvelle forme sécurisante. Provisoirement on l’espère.  Les équipes veillent toujours discrètement à maintenir l’harmonie fragile. Le port du masque pour les professionnels vient rappeler à tous le contexte de crise. L’accessoire devient essentiel, incontournable. Derrière, pourtant, personne ne se cache. On affronte le COVINEMENT (un néologisme fruit de candeur bienvenue) avec succès. Aucun malade n’est à déplorer au foyer. Le 11 mai, c’est le grand jour pour tous ou presque : le D Day pour le déconfinement. Les prémices  d’une allégresse retrouvée qui commence par le travail pour les résidents. Viennent le retour des absents grossissant le contingent puis  les visites dans les familles. La vie, la nouvelle, la masquée, a repris à Canteni.

 

Jérome Heurtebize

AVS, FAH canteni